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Johan Barthold
JONGKIND
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solitaire et pr�curseur
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Johan Barthold JONGKIND, peintre paysagiste
hollandais v�cut principalement en France
o� il fut tr�s estim� de ses pairs et du public.
Connu comme "le peintre de Honfleur et des rues de
Paris", Manet l'appelait "le p�re du
paysage moderne", et les jeunes peintres, au premier rang desquels
Monet, un temps son �l�ve, furent s�duits
par son audace et ses natures qui annon�aient d�s 1860
l'impressionnisme.
C'est dire toute l'importance au regard de l'histoire de
l'Impressionnisme de Jongkind, et l'�tonnant
itin�raire de ce peintre arriv� en France en 1846, � la
demande d'Eug�ne Isabey, apr�s avoir re�u dans son
pays natal une solide et traditionnelle formation de paysagiste
hollandais.
Ind�pendamment de son caract�re propre, l'oeuvre de
Jongkind se situe, comme un trait d'union entre les
oeuvres de Corot et de Monet,
annonciatrice de la vague impressionniste de la fin du XIX�me si�cle.
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Portrait
de l'artiste par lui-m�me
1850 (annot� en 1860)
Graphite (20,5x17 cm)
Mus�e d'Orsay, Paris

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LE PEINTRE NATURALISTE HOLLANDAIS
Jongkind na�t en 1819 � Lattrop en Hollande, huiti�me enfant
d'une famille de dix enfants, mais passera toute son enfance dans le
port de Vlaardingen sur
la Meuse, � l'ouest de Rotterdam, o� son p�re est nomm� percepteur.
En 1835, il quitte l'�cole et travaille comme clerc de notaire.

Sc�ne d'hiver en Hollande
1846
Gemeentemuseum, La Haye
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Apr�s le d�c�s de son p�re en 1836, qu'il vit comme une
d�livrance, il part pour La Haye suivre les cours de
dessin de l'Acad�mie des Arts avant d'�tudier dans
l'atelier du ma�tre paysagiste Andr�as Schelfhout (1837).
Jusqu'en 1845, il suivra une solide formation de peintre
paysagiste dans la tradition hollandaise s'impr�gnant des
oeuvres des ma�tres du Si�cle d'or de la peinture
hollandaise (17�me).
En ce d�but du 19�me si�cle, les artistes n�erlandais
revisitent leur histoire et remettent au go�t du jour la peinture des
Vermeer, Backhuysen, Van der Neer, Van de Velde le Jeune... Jongkind
peint sur le motif des ports, des bateaux, des
moulins, des sc�nes d'hiver... de mani�re r�aliste
dans la continuit� des naturalistes n�erlandais.
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En 1845, il obtient une bourse du Prince d'Orange, futur
Guillaume III (Celle-ci prendra fin en 1852).
Eug�ne Isabey, chef de file de l'�cole
romantique fran�aise, le remarque lors d'un voyage aux Pays-Bas en 1845
et le ram�ne avec lui � Paris. Jongkind va y prendre ses distances avec
l'acad�misme hollandais.
LE PEINTRE DE PARIS
Jongkind arrive � paris en mars 1846 lest� d'un h�ritage
encombrant de paysagiste postromantique hollandais.
Il va travailler dans l'atelier d'Isabey, et �tudier dans l'atelier de
Picot. Il prendra �galement contact avec de nombreux peintres, en
particulier ceux de l'Ecole de Barbizon.
Alors qu'on aurait pu s'attendre � ce qu'il peigne le Paris
triomphant et monumental, celui des vastes horizons, Jongkind va porter
un regard neuf sur Paris et s'attacher � peindre des
moments de Paris pris sur le vif, des vues rapproch�es, des tranches
de ville coup�es net, avec un langage nouveau, une recherche
et une rare ma�trise de la luminosit�.
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Le peintre fuit les foules, et pr�f�re saisir
le quotidien sur le fait, peignant un Paris r�aliste comme
dans "Le Pont Royal vu
du Quai d'Orsay et la machine � guinder" (1852),
ou "Notre-Dame de Paris vue du quai de la Tournelle" (1852)
et "Le Pont de l'Estacade" (1853).
Jongkind ne rend pas seulement un
paysage, il donne vie � des sc�nes quotidiennes qu'il
a observ�es, ici le d�chargement d'une p�niche � quai.
Il pr�f�re s'int�resser � la modernit�
industrielle (la machine � guinder) et urbaine (le r�cent
Palais d'orsay � droite) de Paris, plut�t qu'� l'image glorieuse ou
touristique de la capitale. On retrouve l� le naturalisme
de Jongkind, mais teint� d'une lumi�re nouvelle qui contraste avec la
lourdeur hollandaise de ses d�buts.
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Le Pont Royal
vu du Quai d'Orsay
et la machine � guinder
1852
Mus�e
Salies, Bagn�res de Bigorre
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Jongkind met au point une mani�re de
travailler novatrice : sur le terrain, il dessine de rapides croquis
aquarell�s o� des touches de couleur permettent de saisir les
impressions fugitives, qu'il annote �ventuellement de pr�cisions
�crites. En atelier, il ex�cute, d'apr�s ses croquis aquarell�s et ses
souvenirs, des toiles plus construites. Il innove aussi en
�claircissant fortement sa palette et en introduisant des touches
lumineuses traduisant la d�composition analytique de la lumi�re dont il
se sert pour rendre les effets changeants (reflets, ciels...)
Jongkind ne cessera toute sa vie de peindre
Paris dont il �crira avec nostalgie alors qu'il est retourn� vivre en
Hollande (entre 1855 et 1860) : "C'est Paris o� je suis reconnu
comme peintre". Mais il va �galement, d�s ce premier s�jour en
France, s'�prendre de la c�te Normande qu'il d�couvre
en 1850 lors d'un voyage de Dieppe au Havre avec Isabey. Il pr�sentera "Vue
du Port d'Harfleur" au Salon de 1850, unaniment appr�ci�
par les critiques.
A la mort de sa m�re en 1855, Jongkind
retourne en Hollande � Rotterdam, o� il reviendra � des
paysages plus traditionnels. Il entretiendra jusqu'� son retour � Paris
en avril 1860 une correspondance suivie avec son marchand de tableaux,
le P�re Martin. Jongkind envoie r�guli�rement des
tableaux � Paris et, Martin proc�de � des envois r�guliers de billets
de 100 francs � Rotterdam.
Sur l'initiative du Comte
Doria, assist� du peintre Adolphe-F�lix Cals
et du P�re Martin, une vente aux ench�res d'oeuvres
de 88 artistes dont Corot, Isabey et Rousseau est
organis�e le 8 avril 1860 au profit de Jongkind afin de lui permettre
de revenir � Paris.
LE PEINTRE DE LA COTE
NORMANDE
Jongkind revient donc vivre � Paris et habitera
d�sormais en France jusqu'� la fin de ses jours. Il
s'installe au 9 (devenu plus tard le 5) rue de Chevreuse � Paris, dans
le quartier de Montparnasse, logement qu'il gardera jusqu'� sa mort.
Il rencontre chez le P�re Martin un peintre
hollandais, Mme Jos�phine Fesser dont il tombe
follement amoureux et qui allait devenir sa compagne. D'un caract�re
m�lancolique, familier des maisons closes et des filles faciles,
toujours � court d'argent, Jongkind va trouver en Jos�phine une femme
qui l'aidera � surmonter ses difficult�s. Elle l'emm�nera �galement
visiter le pays, en particulier le Nivernais d�s 1861
o� il peindra "Les ruines du ch�teau de Rosemont"
pr�sent� au Salon des Refus�s de 1863.
En 1862, il fait la connaissance de Boudin
et Monet, avec lesquels il peint au Havre. Monet
�crira � propos de Jongkind qu'il fut apr�s Boudin son ma�tre et qu'il
lui doit "l'�ducation d�finitive de son oeil".

L'entr�e du port d'Honfleur
1863
Toledo Museum of Art, Ohio
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Chaque �t�, Jongkind
retourne sur la c�te normande, entre Trouville et Honfleur. C'est l�
qu'un changement profond s'op�re dans son oeuvre, les points de vue
s'�largissent et se diversifient, et le jeu subtil de la
lumi�re devient l'�l�ment central de ses huiles et de ses
aquarelles. Il s'applique � rendre celui-ci par de multiples
d�compositions de petites touches de couleurs, en
�vitant les teintes sombres et plates des ciels bas et nuageux de ses
d�buts.
Jongkind est fid�le �
ses origines, son amour de l'eau et des bateaux, sa formation de
naturaliste observateur attentif de la r�alit� : loin de la foule des
estivants, il pr�f�re les abords de la mer ou des ports o� il peint des
sc�nes anim�es par le travail des hommes
(p�cheurs, marins...).
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C'est cette p�riode normande de Jongkind qui le situe comme le
pr�curseur de l'impressionnisme qu'il restera pour l'histoire
de l'art. Sa camaraderie avec Manet et Monet
lors des s�jours � la ferme Saint-Sim�on � Honfleur,
o� ils fondent une �cole, justifient aussi ce titre, qu'il m�ritera
tout autant lorsqu'il peint loin de la mer dans le Nivernais ou le
Dauphin�.
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En 1868, Jongkind r�alise une
s�rie des D�molitions de Paris (aquarelles et
huiles), loin des rues marchandes et des boulevards � touristes, o� il
saisit sur le fait les hommes et les chevaux � l'effort.
Emile Zola
publie alors un premier article �logieux consacr� � Jongkind �
l'occasion du Salon de 1868. Puis � nouveau en 1872 dans "Les lettres
de Paris" : " Tout le monde conna�t ses marines, ses vues de
Hollande... Je veux parler des quelques coins de Paris qu'il a peints
dans ces derni�res ann�es. Cet amour profond du Paris moderne, je l'ai
retrouv� dans Jongkind, je n'ose pas dire avec quelle joie. Il a
compris que Paris reste pittoresque jusque dans ses d�combres... Un
peintre de cette conscience et de cette originalit� est un ma�tre... un
ma�tre intime qui p�n�tre avec une rare souplesse dans la vie multiple
des choses."
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La diligence, rue du Faubourg
St-Jacques
1867
Collection priv�e
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Jongkind va jouir alors d'une r�putation grandissante
en France, il est adul� par la jeunesse, et ses oeuvres, couchers de
soleil, marines, clairs de lune, sont tr�s recherch�es des
collectionneurs.
Chaque automne, il se rend en Belgique et aux Pays-Bas.
LE RETRAIT
DU PEINTRE EN DAUPHINE
La guerre de 1870 poussera Jongkind et Mme Fesser loin de
Paris � Nantes puis � Nevers.
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Jongkind est un travailleur
solitaire qui d�serte les salons et les mondanit�s. Il n'a pas
non plus l'�me d'un chef d'�cole.
Ayant esp�r� obtenir une m�daille au
Salon de 1873 avec "Clair de lune � Rotterdam",
son tableau fut refus� et il en fut tr�s d�pit� et d�cida de ne plus y
exposer.
L'ann�e suivante, il refusera �galement
de prendre part � la 1�re Exposition des Impressionnistes.
Peut-�tre faut-t-il voir dans cette
d�cision la raison pour laquelle, alors qu'il faisait l'admiration
unanime des futurs impressionnistes, il ne conna�tra pas une gloire
�gale � la leur.
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Vue du port d'Anvers
1873
Mus�e municipal de La Haye
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Petit � petit, il se fera de plus en plus discret � Paris, se
fixant en 1878 dans la maison que le fils de Mme Fesser ach�te � la C�te-Saint-Andr�,
un petit village du Dauphin� pr�s de Grenoble, o� il m�nera une
existence paisible jusqu'� la fin de ses jours, sauf pour quelques
voyages en Provence et chaque hiver � Paris
pour travailler.

Les bords de l'Is�re � Grenoble,
au printemps
1886
Collection priv�e
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L�, loin de la mer et de Paris, comme
dans le Nivernais, le peintre se renouvelle et progresse une fois
encore. S'il peint des motifs de moins en moins significatifs, sa
peinture est d�sormais enti�rement concentr�e sur le jeu des couleurs
et des contrastes.
Il relativise
l'importance du sujet du tableau, avant les
impressionnistes, qui eux la rejetteront de mani�re radicale.
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