Entr�e
du port
d'Anvers
1866
SATIE - Gnossienne N� 4 (1891)
English version

 

 

Johan Barthold JONGKIND

 

solitaire et pr�curseur

 

Johan Barthold JONGKIND, peintre paysagiste hollandais v�cut principalement en France o� il fut tr�s estim� de ses pairs et du public.

Connu comme "le peintre de Honfleur et des rues de Paris", Manet l'appelait "le p�re du paysage moderne", et les jeunes peintres, au premier rang desquels Monet, un temps son �l�ve, furent s�duits par son audace et ses natures qui annon�aient d�s 1860 l'impressionnisme.

C'est dire toute l'importance au regard de l'histoire de l'Impressionnisme de Jongkind, et l'�tonnant itin�raire de ce peintre arriv� en France en 1846, � la demande d'Eug�ne Isabey, apr�s avoir re�u dans son pays natal une solide et traditionnelle formation de paysagiste hollandais.

Ind�pendamment de son caract�re propre, l'oeuvre de Jongkind se situe, comme un trait d'union entre les oeuvres de Corot et de Monet, annonciatrice de la vague impressionniste de la fin du XIX�me si�cle.

 


Portrait de l'artiste par lui-m�me
1850 (annot� en 1860)
Graphite (20,5x17 cm)

Mus�e d'Orsay, Paris

 

LE PEINTRE NATURALISTE HOLLANDAIS

Jongkind na�t en 1819 � Lattrop en Hollande, huiti�me enfant d'une famille de dix enfants, mais passera toute son enfance dans le port de Vlaardingen sur la Meuse, � l'ouest de Rotterdam, o� son p�re est nomm� percepteur.

En 1835, il quitte l'�cole et travaille comme clerc de notaire.


Sc�ne d'hiver en Hollande
1846

Gemeentemuseum, La Haye

 

Apr�s le d�c�s de son p�re en 1836, qu'il vit comme une d�livrance, il part pour La Haye suivre les cours de dessin de l'Acad�mie des Arts avant d'�tudier dans l'atelier du ma�tre paysagiste Andr�as Schelfhout (1837).

Jusqu'en 1845, il suivra une solide formation de peintre paysagiste dans la tradition hollandaise s'impr�gnant des oeuvres des ma�tres du Si�cle d'or de la peinture hollandaise (17�me).

En ce d�but du 19�me si�cle, les artistes n�erlandais revisitent leur histoire et remettent au go�t du jour la peinture des Vermeer, Backhuysen, Van der Neer, Van de Velde le Jeune... Jongkind peint sur le motif des ports, des bateaux, des moulins, des sc�nes d'hiver... de mani�re r�aliste dans la continuit� des naturalistes n�erlandais.

En 1845, il obtient une bourse du Prince d'Orange, futur Guillaume III (Celle-ci prendra fin en 1852).

Eug�ne Isabey, chef de file de l'�cole romantique fran�aise, le remarque lors d'un voyage aux Pays-Bas en 1845 et le ram�ne avec lui � Paris. Jongkind va y prendre ses distances avec l'acad�misme hollandais.

 

LE PEINTRE DE PARIS

Jongkind arrive � paris en mars 1846 lest� d'un h�ritage encombrant de paysagiste postromantique hollandais. Il va travailler dans l'atelier d'Isabey, et �tudier dans l'atelier de Picot. Il prendra �galement contact avec de nombreux peintres, en particulier ceux de l'Ecole de Barbizon.

Alors qu'on aurait pu s'attendre � ce qu'il peigne le Paris triomphant et monumental, celui des vastes horizons, Jongkind va porter un regard neuf sur Paris et s'attacher � peindre des moments de Paris pris sur le vif, des vues rapproch�es, des tranches de ville coup�es net, avec un langage nouveau, une recherche et une rare ma�trise de la luminosit�.

 

Le peintre fuit les foules, et pr�f�re saisir le quotidien sur le fait, peignant un Paris r�aliste comme dans "Le Pont Royal vu du Quai d'Orsay et la machine � guinder" (1852), ou "Notre-Dame de Paris vue du quai de la Tournelle" (1852) et "Le Pont de l'Estacade" (1853).

Jongkind ne rend pas seulement un paysage, il donne vie � des sc�nes quotidiennes qu'il a observ�es, ici le d�chargement d'une p�niche � quai.

Il pr�f�re s'int�resser � la modernit� industrielle (la machine � guinder) et urbaine (le r�cent Palais d'orsay � droite) de Paris, plut�t qu'� l'image glorieuse ou touristique de la capitale. On retrouve l� le naturalisme de Jongkind, mais teint� d'une lumi�re nouvelle qui contraste avec la lourdeur hollandaise de ses d�buts.

 


Le Pont Royal vu du Quai d'Orsay
et la machine � guinder
1852
Mus�e Salies, Bagn�res de Bigorre

Jongkind met au point une mani�re de travailler novatrice : sur le terrain, il dessine de rapides croquis aquarell�s o� des touches de couleur permettent de saisir les impressions fugitives, qu'il annote �ventuellement de pr�cisions �crites. En atelier, il ex�cute, d'apr�s ses croquis aquarell�s et ses souvenirs, des toiles plus construites. Il innove aussi en �claircissant fortement sa palette et en introduisant des touches lumineuses traduisant la d�composition analytique de la lumi�re dont il se sert pour rendre les effets changeants (reflets, ciels...)

Jongkind ne cessera toute sa vie de peindre Paris dont il �crira avec nostalgie alors qu'il est retourn� vivre en Hollande (entre 1855 et 1860) : "C'est Paris o� je suis reconnu comme peintre". Mais il va �galement, d�s ce premier s�jour en France, s'�prendre de la c�te Normande qu'il d�couvre en 1850 lors d'un voyage de Dieppe au Havre avec Isabey. Il pr�sentera "Vue du Port d'Harfleur" au Salon de 1850, unaniment appr�ci� par les critiques.

A la mort de sa m�re en 1855, Jongkind retourne en Hollande � Rotterdam, o� il reviendra � des paysages plus traditionnels. Il entretiendra jusqu'� son retour � Paris en avril 1860 une correspondance suivie avec son marchand de tableaux, le P�re Martin. Jongkind envoie r�guli�rement des tableaux � Paris et, Martin proc�de � des envois r�guliers de billets de 100 francs � Rotterdam.

Sur l'initiative du Comte Doria, assist� du peintre Adolphe-F�lix Cals et du P�re Martin, une vente aux ench�res d'oeuvres de 88 artistes dont Corot, Isabey et Rousseau est organis�e le 8 avril 1860 au profit de Jongkind afin de lui permettre de revenir � Paris.

 

LE PEINTRE DE LA COTE NORMANDE

Jongkind revient donc vivre � Paris et habitera d�sormais en France jusqu'� la fin de ses jours. Il s'installe au 9 (devenu plus tard le 5) rue de Chevreuse � Paris, dans le quartier de Montparnasse, logement qu'il gardera jusqu'� sa mort.

Il rencontre chez le P�re Martin un peintre hollandais, Mme Jos�phine Fesser dont il tombe follement amoureux et qui allait devenir sa compagne. D'un caract�re m�lancolique, familier des maisons closes et des filles faciles, toujours � court d'argent, Jongkind va trouver en Jos�phine une femme qui l'aidera � surmonter ses difficult�s. Elle l'emm�nera �galement visiter le pays, en particulier le Nivernais d�s 1861 o� il peindra "Les ruines du ch�teau de Rosemont" pr�sent� au Salon des Refus�s de 1863.

En 1862, il fait la connaissance de Boudin et Monet, avec lesquels il peint au Havre. Monet �crira � propos de Jongkind qu'il fut apr�s Boudin son ma�tre et qu'il lui doit "l'�ducation d�finitive de son oeil".


L'entr�e du port d'Honfleur
1863

Toledo Museum of Art, Ohio

 

 

Chaque �t�, Jongkind retourne sur la c�te normande, entre Trouville et Honfleur. C'est l� qu'un changement profond s'op�re dans son oeuvre, les points de vue s'�largissent et se diversifient, et le jeu subtil de la lumi�re devient l'�l�ment central de ses huiles et de ses aquarelles. Il s'applique � rendre celui-ci par de multiples d�compositions de petites touches de couleurs, en �vitant les teintes sombres et plates des ciels bas et nuageux de ses d�buts.

Jongkind est fid�le � ses origines, son amour de l'eau et des bateaux, sa formation de naturaliste observateur attentif de la r�alit� : loin de la foule des estivants, il pr�f�re les abords de la mer ou des ports o� il peint des sc�nes anim�es par le travail des hommes (p�cheurs, marins...).

C'est cette p�riode normande de Jongkind qui le situe comme le pr�curseur de l'impressionnisme qu'il restera pour l'histoire de l'art. Sa camaraderie avec Manet et Monet lors des s�jours � la ferme Saint-Sim�on � Honfleur, o� ils fondent une �cole, justifient aussi ce titre, qu'il m�ritera tout autant lorsqu'il peint loin de la mer dans le Nivernais ou le Dauphin�.

 

En 1868, Jongkind r�alise une s�rie des D�molitions de Paris (aquarelles et huiles), loin des rues marchandes et des boulevards � touristes, o� il saisit sur le fait les hommes et les chevaux � l'effort.

Emile Zola publie alors un premier article �logieux consacr� � Jongkind � l'occasion du Salon de 1868. Puis � nouveau en 1872 dans "Les lettres de Paris" : " Tout le monde conna�t ses marines, ses vues de Hollande... Je veux parler des quelques coins de Paris qu'il a peints dans ces derni�res ann�es. Cet amour profond du Paris moderne, je l'ai retrouv� dans Jongkind, je n'ose pas dire avec quelle joie. Il a compris que Paris reste pittoresque jusque dans ses d�combres... Un peintre de cette conscience et de cette originalit� est un ma�tre... un ma�tre intime qui p�n�tre avec une rare souplesse dans la vie multiple des choses."

 


La diligence, rue du Faubourg St-Jacques
1867
Collection priv�e

 

Jongkind va jouir alors d'une r�putation grandissante en France, il est adul� par la jeunesse, et ses oeuvres, couchers de soleil, marines, clairs de lune, sont tr�s recherch�es des collectionneurs.

Chaque automne, il se rend en Belgique et aux Pays-Bas.

 

LE RETRAIT DU PEINTRE EN DAUPHINE

La guerre de 1870 poussera Jongkind et Mme Fesser loin de Paris � Nantes puis � Nevers.

 

Jongkind est un travailleur solitaire qui d�serte les salons et les mondanit�s. Il n'a pas non plus l'�me d'un chef d'�cole.

Ayant esp�r� obtenir une m�daille au Salon de 1873 avec "Clair de lune � Rotterdam", son tableau fut refus� et il en fut tr�s d�pit� et d�cida de ne plus y exposer.

L'ann�e suivante, il refusera �galement de prendre part � la 1�re Exposition des Impressionnistes.

Peut-�tre faut-t-il voir dans cette d�cision la raison pour laquelle, alors qu'il faisait l'admiration unanime des futurs impressionnistes, il ne conna�tra pas une gloire �gale � la leur.

 


Vue du port d'Anvers
1873

Mus�e municipal de La Haye

Petit � petit, il se fera de plus en plus discret � Paris, se fixant en 1878 dans la maison que le fils de Mme Fesser ach�te � la C�te-Saint-Andr�, un petit village du Dauphin� pr�s de Grenoble, o� il m�nera une existence paisible jusqu'� la fin de ses jours, sauf pour quelques voyages en Provence et chaque hiver � Paris pour travailler.


Les bords de l'Is�re � Grenoble,
au printemps

1886
Collection priv�e

 

L�, loin de la mer et de Paris, comme dans le Nivernais, le peintre se renouvelle et progresse une fois encore. S'il peint des motifs de moins en moins significatifs, sa peinture est d�sormais enti�rement concentr�e sur le jeu des couleurs et des contrastes.

Il relativise l'importance du sujet du tableau, avant les impressionnistes, qui eux la rejetteront de mani�re radicale.

 

Au Salon des Refus�s de 1879, Jongkind �tait d�j� si c�l�bre que Paul Signac rapporte qu'� cette date de faux Jongkind partent � des prix tr�s �lev�s. En effet, les collectionneurs ne s'y trompent pas.

 

JONGKIND L'AQUARELLISTE

Apr�s sa mort, en 1893, l'exposition de 134 aquarelles de la deuxi�me vente d'atelier, suivie de plusieurs ventes exclusivement consacr�es aux aquarelles conna�t un tr�s vif succ�s et les prix s'envolent jusqu'� cinq mille francs de l'�poque pour La Seine � Argenteuil .

 

A la fulgurance de certains g�nies, Jongkind oppose la constance de son talent sur une longue p�riode de maturit�, quelques que soient les sujets et les genres abord�s.

En particulier il contribuera � faire que l'aquarelle, qui pour lui a toujours �t� un art en soi, le devienne pour tous.

 


L'entr�e du port d'Anvers
Aquarelle, 1866
Mus�e d'Orsay

 

En regardant l'oeuvre de Jongkind qui para�t si diverse, on est frapp� par le fait que si le peintre �volue en France o� il porte un regard nouveau sur Paris, sur la Normandie, il reste �galement fid�le � des th�mes traditionnels de la peinture hollandaise. Jongkind a ainsi su s'adapter et mener en parall�le de multiples oeuvres dont le d�nominateur commun est une grande ma�trise de son art.

L'envergure du peintre est telle que, depuis toujours, la Hollande, son pays natal, et la France, sa terre d'adoption, se jalousent l'artiste. Johan-Barthold Jongkind est enterr� pr�s de Grenoble, en France, au cimeti�re de la C�te-Saint-Andr�.

Nombre d'oeuvres de JONGKIND sont conserv�es � l'Institut N�erlandais � Paris (� c�t� de l'Assembl�e Nationale).

Chronologie

1819

Naissance � Lattrop en Hollande
Passe toute son enfance dans le port de Vlaardingen, sur les bords de la Meuse

1835

Travaille comme clerc de notaire

1836-1837

Mort de son p�re
Commence des �tudes � l'Acad�mie des Arts de La Haye
Entre en apprentissage dans l'atelier du ma�tre Andr�as Schelfhout

1837-1845

Formation de peintre paysagiste d'apr�s les Ma�tres du Si�cle d'or (Vermeer, Steen...)


1845

Obtient une bourse de 200 florins du roi Guillaume III


 

Rencontre Eug�ne Isabey en voyage aux Pays-Bas



1846-1855

Arrive � Paris pour travailler dans l'atelier d'Isabey
Il y restera 10 ans
Il �tudie �galement dans l'atelier de Picot
Devient l'ami de Stevens, Courbet et Troyon

 

1847

Voyage au Havre


1848

1�re exposition au Salon de Paris


1850

Voyage � Dieppe, F�camp et Etretat avec Isabey
pr�sente "Vue du port d'Harfleur" au Salon, bien accueilli


1851

Voyage en Normandie et au Havre avec Isabey


1852

Obtient une m�daille au Salon
Commence � peindre des clairs de lune qui obtiendront plus tard beaucoup de succ�s





1855-1860

Retourne vivre en Hollande � Rotterdam
Retour � des th�mes traditionnels du paysage hollandais
Des probl�mes psychiques p�sent sur son travail

   

1860-1878

Sur l'initiative du Comte Doria, assist� de Cals et du P�re Martin, une vente aux ench�res d'oeuvres de 88 artistes dont Corot, Isabey et Rousseau est organis�e le 8 avril au profit de Jongkind afin de lui permettre de revenir � Paris

En 1860, il rencontre le peintre Jos�phine Fesser, une hollandaise, qui devient sa compagne et l'aidera � surmonter ses difficult�s

Nombreux voyages dans le Nivernais, au Havre, � Honfleur, � Bruxelles et en Hollande

En 1862, il fait la connaissance de Boudin et Monet

Il retourne tous les �t�s sur la C�te normande entre Trouville et Honfleur. Il y retrouve � la ferme Saint-Sim�on de la m�re Toutain la compagnie de Bazille, Monet, Corot...

 

1861

S'installe 9 (devenu plus tard le 5) rue de Chevreuse � Paris, dans le quartier de Montparnasse, loin des caf�s du quartier de Montmartre. Il gardera cette demeure jusqu'� ses derniers jours.
Voyage dans le Nivernais o� le mari de Mme Fesser , Alexandre Fesser (1811-1875) exerce le m�tier de cuisinier


1862

Peint au Havre avec Boudin et Monet, ce dernier confiera que Jongkind fut apr�s Boudin son ma�tre auquel il doit "l'�ducation d�finitive de son oeil"

Baudelaire publie un article �logieux sur les eaux-fortes de Jongkind


1863

Expose "Ruines du Ch�teau de Rosemont" au Salon des Refus�s o� exposent �galement Manet, Pissarro...




1868

R�alise la s�rie des D�molitions de Paris
Emile Zola fait son premier �loge

 

1873

"Clair de lune � Rotterdam" est refus� au Salon et Jongkind d�cide de ne plus y exposer
Premier voyage dans le Dauphin� o� travaille Jules, le fils de Mme Fesser

   

1878-1891

Vit � la C�te-Saint-Andr� pr�s de Grenoble, o� le fils de Mme Fesser a acquis une villa, avec Mme Fesser. Il y restera jusqu'� la fin de ses jours, except� durant l'hiver o� il se rend � Paris pour travailler, et lors de quelques brefs s�jours en Provence

Sa palette devient de plus en plus claire et sa facture de plus en plus simple

 

 

1878

Le fils de Mme Fesser ach�te une maison � la C�te-Saint-Andr�, o� Jongkind va r�sider

 

1881-1891

Sa client�le s'�largit et le prix de ses oeuvres augmente

     
 

1891

Atteint de troubles psychiques (m�lancolie, parano�a), il sombre dans l'alcool et meurt � l'asile de Saint-Rambert pr�s de Grenoble
Il est enterr� � La C�te-Saint-Andr�



 


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